J’ai eu le plaisir de discuter de ma pratique de la Walk&Talk avec Pauline Martin, dans le cadre de son étude exploratoire intitulée « Qu’est-ce qui motive les thérapeutes à choisir et pratiquer la Walking Therapy ? », réalisée à la Faculté de psychologie de l’Université catholique de Louvain.

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Pauline : Pour quels types de patients recommandez-vous la Walk&Talk ?

S.D. L’ajustement au cas par cas est fondamental : pour une personne souffrant d’obésité, coupler la parole à une activité physique peut être efficace ; en revanche, pour une patiente anorexique qui marche déjà quatre heures par jour, cela ne conviendrait pas. Cela soulève la question des mouvements internes…

Pauline : Des mouvements internes ?

S.D. : C’est-à-dire qu’une personne en souffrance a tendance à cristalliser un symptôme et à suspendre le temps par la rumination. Introduire l’idée de marcher, d’insuffler du mouvement, c’est apporter une forme de changement. Cela permet d’activer un processus de transformation…

Pauline : Oui… Vous parliez notamment de la capacité à contempler en début d’entretien…

S.D. : Certains patients, malgré la beauté environnante, ne cessent de fixer leurs pieds pendant la séance. Parfois, je les interpelle : « Regardez, un petit écureuil », et l’espace d’un instant, mon intervention les sort de leur monologue intérieur et les invite à contempler ce qui les entoure. Ils renouent alors avec la gratitude, plutôt que le manque. Je les rassure en leur disant qu’ils sont en sécurité dans cet espace magnifique.

Pauline : Vous montrez le positif… Est-ce qu’il y a pour vous des aspects différents au niveau du cadre entre la Walking Therapy et une thérapie classique en cabinet ?

S.D. : Les deux principaux avantages sont la possibilité d’échapper au regard du thérapeute et de réintroduire du mouvement. En thérapie, nous restons confinés dans le champ des discours, des mots signifiants, donc dans des mouvements intellectuels. Durant la Walk&Talk, nous nous décentrons physiquement du problème, ce qui réinscrit le corps dans l’espace thérapeutique.

Pauline : Il y a cette recherche, comme vous l’évoquiez tout à l’heure, de ramener le patient dans le corps. C’est ce que le cadre de la Walk&Talk permet…

S.D. : Oui. Amener le patient à contempler la beauté, à ralentir… Actuellement, je travaille avec des profils très rapides, submergés par des charges de travail importantes. Les inviter à pratiquer du slow piano ou des promenades thérapeutiques les aide à se détacher de l’ultra-compétition et de l’hyper- vigilance. Ils peuvent expérimenter un nouveau rapport au temps.

Pauline : Au niveau de vos attitudes thérapeutiques, est-ce que vous observez des différences entre les deux pratiques ?

S.D. :  Déjà, c’est assez amusant d’observer leurs manières de marcher : certains se collent à moi, d’autres se pressent contre un bord du chemin, et d’autres encore sursautent si l’on croise un animal ou un passant, ce qui influence ma réponse thérapeutique. J’ai l’impression d’être davantage musicienne dans la forêt : la promenade engage mon corps, mon ouïe, et parfois le toucher, s’il faut éviter un danger en pressant le bras d’un patient.

Pauline : Il y a toute une réflexion autour des lieux dans lesquels vous amenez vos patients ?

Oui, effectivement, les petits parcs sinueux avec des montées et descentes peuvent être angoissants pour les patients. Un jour, une patiente s’est sentie oppressée au parc Tenbosch et a demandé à s’asseoir. Les forêts, avec leurs chemins droits et vastes, sont souvent plus apaisantes, contrairement aux parcs qui présentent trop de barrages visuels. Les environnements urbains bruyants et chaotiques ne sont pas très propices à la détente non plus.

Pauline : Est-ce que vous voyez des contre-indications à la pratique ?

S.D. : Oui, je préfère éviter les marches en forêt en fin d’après-midi et soirée pour des raisons de sécurité. Par ailleurs, la pratique est réservée aux patients stabilisés. Si un patient arrive anxieux, il vaut mieux minimiser les risques en l’apaisant au préalable par des exercices de respiration à l’intérieur et vérifier s’il est apte à participer à l’exercice.

Pauline : Selon vous, est-ce qu’il y a une école thérapeutique plus adéquate avec la Walking Therapy ?

S.D. : Je fais appel à plusieurs approches : la psychanalyse pour l’écoute des rêves et de l’inconscient, ainsi que des métaphores systémiques pour aborder le transgénérationnel en lien avec l’écosystème. Par exemple, une patiente en deuil a trouvé une fleur en forêt pour honorer sa grand-mère disparue. Elle a créé un petit autel symbolique pour marquer sa mémoire, utilisant la forêt comme espace de rituel personnel.

Pauline : Quel impact la Walking Therapy a-t-elle eu sur votre pratique ?

S.D. : Je ne peux plus m’en passer et j’ai vraiment envie d’en faire plus. J’apprécie beaucoup l’alternance des différents types de thérapie ; les approches holistiques offrent des possibilités fantastiques.

Pauline : Vous avez besoin de diversité…

S.D. : Oui, parce que cela donne de meilleurs résultats. Bon, on ne va pas diversifier dans tout et n’importe quoi, et proposer de la « barbecue therapy » (rires), mais si l’intégration de la nature permet de mettre en mouvement un problème spécifique, pourquoi pas !

Pauline : Nous arrivons à la fin de l’entretien. Y a-t-il quelque chose que vous aimeriez ajouter ?

S.D. : Non, je crois que nous avons abordé l’essentiel.

Pauline : Merci alors !

S.D. : Merci à vous !

Martin, Pauline. Qu’est-ce qui motive les thérapeutes à choisir et pratiquer la Walking Therapy ? Étude exploratoire. Faculté de psychologie et des sciences de l'éducation, Université catholique de Louvain, 2024. Prom. : Brevers, Damien ; de Condé, Hubert